Dies Irae IV - Glaub Nichts !!!

Publié le par PieRRe

       
        Monsieur Sarkozy m'énerve. J'avoue que ce n'est pas nouveau, mais là il s'attaque à un sujet qui me tient particulièrement à coeur : les religions. Et ses propos sur ce thème ont tendance à me hérisser.

 

Premier acte : le Vatican

« Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes (...). Nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne : assumer les racines chrétiennes de la France et même les valoriser, tout en défendant la laïcité parvenue à maturité. (...) Un homme qui croit est un homme qui espère. »

« dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance »

Deuxième acte : l'Arabie Saoudite

« Sans doute musulmans, juifs et chrétiens ne croient-ils pas en Dieu de la même façon. Mais au fond, qui pourrait contester que c'est bien le même Dieu auquel s'adressent leurs prières ? Dieu transcendant qui est dans la pensée et dans le coeur de chaque homme. Dieu qui n'asservit pas l'homme mais qui le libère (...). »

Troisième acte : cérémonie des voeux présidentiels aux représentants des cultes

"la reconnaissance du sentiment religieux comme une expression de la liberté de conscience et la reconnaissance du fait religieux comme un fait de civilisation font partie, au même titre que la reconnaissance de l'héritage des Lumières, de notre pacte républicain et de notre identité"


 
        On ne peut certes renier les racines judéo-chrétiennes de notre pays. On ne peut faire autrement que les assumer, puisque elles sont issues de notre passé. Mais de là à les valoriser, c'est un grand pas. Car valoriser nos racines chrétiennes s'est valoriser dans les faits toutes les erreurs que l'Eglise n'assume pas : l'Inquisition, les Croisades, les bûchers, les tortures, la foi contre la science etc. Précisement tout ce que dénonce M. Sarkozy chez les intégristes. De plus, croit-il vraiment que la croyance en Dieu peut permettre aux Français d'aller mieux? Pour reprendre le mot de François Bayrou, cela rappelle étrangement ce que dénonçait Marx quand il parlait « d'opium du peuple ». Je ne vois pas comment Dieu peut réconforter un SDF ou un sans-papier. Notre président préfèrerait donc que ses concitoyens croient plus en Dieu qu'en lui pour résoudre les problèmes de la France?

Enfin, opposer en 2007 le curé à l'instituteur est bien futil, et réouvre un débat datant du début du siècle dernier. Le combat entre la Communale et le Catéchisme est bien fini, et c'est bien l'Ecole Publique qui a gagné. Postuler que le curé, le pasteur et j'ajoute le rabbin sont plus à même d'enseigner certaines valeurs que les instituteurs vont faire se retourner dans leurs tombes tous les hussards noirs de la République, et c'est supposer que la majorité des enfants français sont mal-éduqués, puisque il me semble que la pratique religieuse est en recul en France. Si ne certes plus aux religieux d'enseigner la différence entre le bien et le mal, la responsabilité de cet apprentissage revient à la fois aux enseignants et aux parents, même si ces derniers l'oublient parfois. Quant au charisme de l'engagement, je ne peux en juger qu'au vu des deux enseignants chez qui je vis, et pour ces deux là, ce n'est pas un vain mot. Il semblerait que M. Sarkozy institue une hiérarchie parmi les Français : les curés pour leur sacrifice, les croyants (qui seuls s'en sortironts car se sont les seuls qui espèrent),et enfin les non-croyants. Pas très laïc tout cela...

Pour continuer dans l'exposition de mon ire, je tiens à préciser que Dieu n'a jamais été dans mon coeur, qu'il ne l'est pas en ce moment, et qu'il ne le sera jamais. Que le président présente une vision de la laïcité qui lui est propre, soit. Mais ce qu'il exprime là, c'est un avis personnel sur un concept qui relève de la sphère privée. C'est donc à mon avis une grosse erreur sur le plan politique que de professer un chose pareille. De même dire que l'Arabie Saoudite et la France partage la même vision de ce que doit être une politique de civilisation est une assez grosse boulette. Rappellons-le, en Arabie, on lapide les femmes violées pour provocation, on mutile les délinquants et l'immoralité est punie par la torture. Rappellons aussi que le régime saoudien ne tient que par l'alliance entre les pétro-dollars et les mollahs wahhabites qui représentent une des factions les plus dures de l'Islam radical.

 

Enfin pour finir, revenons sur sa récente erreur historique, car mettre sur le même plan l'héritage des religions et celui de la philosophie des Lumières en est une. Il ne me semble bien que le Clergé faisait partie des privilégiés de l'Ancien Régime. Il me semble même bien que la dîme était un impôt que ce Clergé ponctionnait au Tiers-Etat. Il me semble aussi que ce même Clergé n'était pas très favorable aux Idéaux des Lumières, et que la vision de la justice qu'il partageait avec la Monarchie n'avait rien de très Républicain. Alors non, l'établissement de la République et la chute de l'Ancien Régime ne sont pas dus au Clergé, ou au fait religieux, qui n'a jamais été porteur de civilisation. De même que l'abolition de l'esclavage n'est pas un héritage du fait religieux mais bien des de la philosophie des Lumières. Enfin il ne me semble pas que l'Eglise ait en 1905 accueilli avec joie sa séparation d'avec l'Etat.

 

Citons Cioran pour conclure :

 

« Pendant des siècles des esprits se sont battus et ont risqué leur vie pour se libérer de Dieu. Et nous, au milieu du XXe, nous regrettons les chaînes qu'Il représentait et ne savons que faire d'une liberté pour laquelle nous n'avons fait aucun sacrifice, que nous n'avons pas conquise. Nous sommes les héritiers ingrats de l'athéisme héroïque, les épigones de la révolte, une masse de rebelles qui déplorent secrètement la disparition des "superstitions", des "préjugés" et des anciennes "terreurs". »

Publié dans Dies Irae

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T
C'est sûr que c'est vraiment insupportable...d'autant que Sarkozy confond "racines judéo-chrétiennes" et "racines catholiques" ; "héritage culturel" et "religion d'Etat"...<br /> <br /> Bon, je ne suis pas d'accord avec tout dans cette analyse, mais j'ai décidé de faire ce que la gauche ne fera jamais à savoir : ne pas afficher de division ;-) Même si on est pas d'accord sur tout, être soudé contre ces gens me paraît l'essentiel.<br /> <br /> A plus, camarade :-)
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P
Merci pour ton commentaire, Camarade ! ^^Je conçois que mes arguments concernant la religion puissent ne pas faire l'unanimité, et encore, j'ai pas mentionné les plus virulents... :-)Ceci-ci dit, j'aimerais que les gens de Gauche est ta sagesse: en temps de conflit, on oublie ses divergences pour abattre un ennemi commun. Mais apparement, cela existe au niveau local : je viens de voir que à St Quentin, il y aura une liste commune de toute la gauche, du PS jusqu'à la LCR, pour tenter de vaincre xavier bertrand. Je trouve que c'est une initiative intéressante.
A
Les déclarations n'ont pas de sens surtout.<br /> Oui, nous avons une histoire et des origines judéo-chrétiennes, c'est un fait.<br /> <br /> Reconnaître ces racines ? Je vois mal ce que ça veut dire, "reconnaître ces racines". Ca veut dire quoi déjà reconnaître ces racines ? Ca passe par quoi une telle reconnaissance ? Le discours suppose ensuite qu'elles ne sont pas reconnues. En quoi ne le sont-elles pas ?<br /> <br /> Et enfin, "valoriser ces racines" ? c'est quoi précisément valoriser ces racines ? ça passe par quoi ? en quoi consiste une revalorisation ?<br /> <br /> C'est pour ça que je ne trouve que ça n'a pas de sens. Un peu comme les déclarations sur mai 68 (dans les deux, le discours dit qu'il faut valoriser ou supprimer une partie de notre passé) : "liquider l'héritage de mai 68", ça veut dire quoi ?
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P
tout à fait d'accord avec toi. j'ai pas abordé cet aspect parce que ce qui m'a le plus énervé c'est la volonté de remettre les religions au centre des débats de société.Peut-être ce qu'il veut dire, et il le dit clairement lui-même je sais plus ou, c'est qu'on arrête de voir les religions comme des ennemies. Qu'on valorise de ce fait notre héritage chrétien en invitant  les représentant de cette Eglise dans les débats, et considérer qu'encore maintenant l'Eglise est partie integrante de notre société (ce qui est faux je pense).